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ÉDOUARD.

ton cœur, tu ne peux mourir sans moi ! » — Je passai mes bras autour d’elle ; elle ne s’y opposa point ; elle pencha sa tête sur mon épaule. « Qu’il serait doux, dit-elle, de mourir ainsi ! — Ah ! lui dis-je, il serait bien plus doux d’y vivre ! Ne sommes-nous pas libres tous deux ? Personne n’a reçu vos serments ; qui nous empêche d’être l’un à l’autre ? Dieu aura pitié de nous. » — Je la serrai sur mon cœur. — « Édouard, dit-elle, aie toi-même pitié de moi, ne déshonore pas celle que tu aimes ! Tu le vois, je n’ai pas de forces contre toi. Sauve-moi ! sauve-moi ! S’il ne fallait que ma vie pour te rendre heureux, il y a longtemps que je l’aurais donnée ; mais tu ne te consolerais pas toi-même de mon déshonneur. Eh quoi ! tu ne veux pas m’épouser, et tu veux m’avilir ? — Je ne veux rien, lui dis-je au désespoir, je ne veux que la mort ! Ah ! si du moins je pouvais mourir dans tes bras, exhaler mon dernier soupir sur tes lèvres ! » Elle pleurait ; je n’étais plus maître de moi : j’osai ravir ce baiser qu’elle me refusait. Elle s’arracha de mes bras ; ses larmes, ses sanglots, son désespoir me firent payer bien cher cet instant de bonheur. Elle me força de la quitter. Je rentrai dans ma chambre le plus malheureux des hommes ; pourtant jamais la passion ne m’avait possédé à ce point. J’avais senti que j’étais aimé ; je pressais encore dans mes bras celle que j’adorais. Au milieu des