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I

Il est d’autant plus nécessaire d’appeler tout de suite votre attention sur cet axiome fondamental qu’il est plus généralement méconnu. Jusqu’à ces dernières années — et encore les exceptions peuvent-elles se compter[1] — les pédagogues modernes étaient presque unanimement d’accord pour voir dans l’éducation une chose éminemment individuelle et pour faire, par conséquent, de la pédagogie un corollaire immédiat et direct de la seule psychologie. Pour Kant comme pour Mill, pour Herbart comme pour Spencer, l’éducation aurait avant tout pour objet de réaliser en chaque individu, mais en les portant à leur plus haut point de perfection possible, les attributs constitutifs de l’espèce humaine en général. On posait comme une vérité d’évidence qu’il y a une éducation, et une seule, qui, à l’exclusion de toute autre, convient indifféremment à tous les hommes, quelles que soient les conditions historiques et sociales dont ils dépendent, et c’est cet idéal abstrait et unique que les théoriciens de l’éducation se proposaient de déterminer. On admettait qu’il y a une nature

  1. L’idée fut déjà exprimée par Lange, dans une leçon d’ouverture publiée dans les Monatshefte der Comeniusgesellschaft, Bd. III, p. 107. Elle fut reprise par Lorenz von Stein dans sa Verwaltungslehre, Bd. V. À la même tendance se rattachent Willmann, Didaktik als Bildungslehre, 2 vol. 1894 ; Natorp, Socialpædagogik, 1899 ; Bergemann, Soziale Pædagogik, 1900. Nous signalerons également G. Edgard Vincent, The social mind and education ; Elslander, L’Éducation au point de vue sociologique, 1899.