Page:Durkheim - Éducation et sociologie.djvu/126

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sons partie ; telles sont les croyances religieuses, les croyances et les pratiques morales, les traditions nationales ou professionnelles, les opinions collectives de toute sorte. Leur ensemble forme l’être social. Constituer cet être en chacun de nous, telle est la fin de l’éducation.

C’est par là, d’ailleurs, que se montrent le mieux l’importance de son rôle et la fécondité de son action. En effet, non seulement cet être social n’est pas donné tout fait dans la constitution primitive de l’homme, mais il n’en est pas résulté par un développement spontané. Spontanément, l’homme n’était pas enclin à se soumettre à une autorité politique, à respecter une discipline morale, à se dévouer, à se sacrifier. Il n’y avait rien dans notre nature congénitale qui nous prédisposât à devenir les serviteurs de divinités, emblèmes symboliques de la société, à leur rendre un culte, à nous priver pour leur faire honneur. C’est la société elle-même qui, à mesure qu’elle s’est formée et consolidée, a tiré de son propre sein ces grandes forces morales devant lesquelles l’homme a senti son infériorité. Or, si l’on fait abstraction des vagues et incertaines tendances qui peuvent être dues à l’hérédité, l’enfant, en entrant dans la vie, n’y apporte que sa nature d’individu. La société se trouve donc, pour ainsi dire, à chaque génération nouvelle, en présence d’une table presque rase sur laquelle il lui faut construire à nouveaux frais. Il faut que, par les voies les plus rapides, à l’être égoïste et social