Page:Durkheim - Éducation et sociologie.djvu/23

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peut les décrire, comprendre leur nature et leur rôle. Et c’est, en somme, cette description qui forme le contenu des morales dites théoriques. Chaque philosophe définit, à sa manière, ces éléments fondamentaux. Mais il construit, plutôt qu’il ne décrit. Nous pouvons refaire le même travail, en prenant pour objet, non plus notre idéal personnel, mais l’idéal qui est, en fait, celui de notre civilisation. Ainsi l’étude de l’éducation morale nous permet de saisir, dans les faits, les réalités auxquelles correspondent les concepts très abstraits que manient les philosophes. Elle met la science des mœurs en mesure d’observer ce qu’est la moralité, dans ses caractères les plus généraux, parce que, dans l’éducation, nous apercevons la moralité au moment où elle se transmet, au moment où, par conséquent, elle se distingue le plus nettement des consciences individuelles, dans la complexité desquelles elle est, habituellement, enveloppée.

Durkheim ramène à trois ces éléments fondamentaux de notre moralité. Ce sont l’esprit de discipline, l’esprit d’abnégation et l’esprit d’autonomie. Indiquons, à titre d’exemple, quel plan suit Durkheim dans l’analyse du premier élément. L’esprit de discipline est, à la fois, le sens et le goût de la régularité, le sens et le goût de la limitation des désirs, le respect de la règle, qui impose à l’individu l’inhibition des impulsions et l’effort. Pourquoi la vie sociale exige-t-elle régularité, limitation et effort ? Puis, comment l’individu trouve-t-il, finalement, à accepter ces exigences pénibles, les conditions de son propre bonheur ? Répondre à ces questions, c’est dire quelle est la fonction de la discipline. Comment la société est-elle apte à imposer la discipline et, notamment, à éveiller dans l’individu le sentiment du respect dû à l’autorité d’un impératif catégorique, qui apparaît comme transcendant ? Répondre à cette question, c’est traiter de la