Page:Durkheim - Éducation et sociologie.djvu/79

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la société. De même que le prêtre est l’interprète de son dieu, lui, il est l’interprète des grandes idées morales de son temps et de son pays. Qu’il soit attaché à ces idées, qu’il en sente toute la grandeur, et l’autorité qui est en elles et dont il a conscience ne peut manquer de se communiquer à sa personne et à tout ce qui en émane. Dans une autorité qui découle d’une source aussi impersonnelle, il ne saurait entrer ni orgueil, ni vanité, ni pédanterie. Elle est faite tout entière du respect qu’il a de ses fonctions et, si l’on peut ainsi parler, de son ministère. C’est ce respect qui, par le canal de la parole, du geste, passe de sa conscience dans la conscience de l’enfant.

On a quelquefois opposé la liberté et l’autorité, comme si ces deux facteurs de l’éducation se contredisaient et se limitaient l’un l’autre. Mais cette opposition est factice. En réalité, ces deux termes s’impliquent loin de s’exclure. La liberté est fille de l’autorité bien entendue. Car être libre, ce n’est pas faire ce qui plaît ; c’est être maître de soi, c’est savoir agir par raison et faire son devoir. Or c’est justement à doter l’enfant de cette maîtrise de soi que l’autorité du maître doit être employée. L’autorité du maître n’est qu’un aspect de l’autorité du devoir et de la raison. L’enfant doit donc être exercé à la reconnaître dans la parole de l’éducateur et à en subir l’ascendant ; c’est à cette condition qu’il saura plus tard la retrouver dans sa conscience et y déférer.