Page:Durkheim - Éducation et sociologie.djvu/87

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aux différentes espèces de sociétés. Par exemple, sous le régime de la tribu, l’éducation a pour caractéristique essentielle qu’elle est diffuse ; elle est donnée pour tous les membres du clan indistinctement. Il n’y a pas de maîtres déterminés, pas de surveillants spéciaux préposés à la formation de la jeunesse ; c’est tous les anciens, c’est l’ensemble des générations antérieures qui joue ce rôle. Tout au plus arrive-t-il que, pour certains enseignements particulièrement fondamentaux, certains anciens sont plus spécialement désignés. Dans d’autres sociétés, plus avancées, cette diffusion prend fin, ou, du moins, elle s’atténue. L’éducation se concentre entre les mains de fonctionnaires spéciaux. Dans l’Inde, en Égypte, ce sont les prêtres qui sont chargés de cette fonction. L’éducation est un attribut du pouvoir sacerdotal. Or cette première caractéristique différentielle en entraîne d’autres. Quand la vie religieuse, au lieu de rester elle-même complètement diffuse comme elle l’est à l’origine, se crée un organe spécial chargé de la diriger et de l’administrer, c’est-à-dire quand il se forme une classe ou une caste sacerdotale, ce qu’il y a de proprement spéculatif et intellectuel dans la religion prend un développement jusqu’alors inconnu. C’est dans ces milieux sacerdotaux que sont apparus les premiers prodromes, les formes premières et rudimentaires de la science : astronomie, mathématiques, cosmologie. C’est un fait que Comte avait remarqué depuis longtemps et qui s’explique aisé-