Page:Durkheim - L'Allemagne au-dessus de tout.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

envers un autre État pour l’avenir. L’État n’a pas de juge au-dessus de soi et, par conséquent, tous ses contrats sont conclus avec cette réserve tacite. C’est ce que confirme cette vérité qui sera reconnue aussi longtemps qu’il y aura un droit international : dès qu’une guerre a éclaté, les contrats entre les États belligérants cessent d’exister. Or, tout État, en tant qu’il est souverain, a tous les droits de déclarer la guerre quand il lui plaît. Par conséquent, tout État est en situation de dénoncer à volonté les contrats qu’il a conclus… Ainsi, il est clair que, si les contrats internationaux limitent la volonté d’un État, ces limitations n’ont rien d’absolu[1]. »

Tandis que, dans les contrats entre particuliers, réside une puissance morale qui domine les volontés des contractants, les contrats internationaux ne sauraient avoir cet ascendant ; car il n’y a rien au-dessus de la volonté d’un État. Il en est ainsi non seulement quand le contrat a été imposé par la violence, à la suite d’une guerre, mais encore quand il a été librement accepté. Dans tous les cas, quels qu’ils soient, « l’État se réserve d’apprécier l’étendue de ses obligations contractuelles[2] ». Ce principe peut choquer les juristes, juges et avocats ; mais « l’histoire n’est pas faite pour être considérée du point de vue auquel se placent les juges dans les procès civils[3] ». C’est là un point de vue de « philistins » qui ne saurait être celui de l’homme d’État, ni de l’historien[4].

À plus forte raison, un État ne saurait-il accepter la juridiction d’un tribunal international, de quelque manière qu’il soit composé. Se soumettre à la sentence d’un juge, ce serait se placer dans un état de dépendance, inconciliable avec la notion de souveraineté. D’ailleurs, dans des questions vitales comme sont celles qui opposent les États entre eux il n’y a pas de puissance étrangère qui puisse juger avec impartialité. « Si nous commettions la sottise de traiter la question d’Alsace comme une question ouverte et si nous

  1. I, p. 37-38.
  2. I, p. 102.
  3. II, p. 550.
  4. I, p. 102-103.