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Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/277

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LE SUICIDE ALTRUISTE. 253 au renoncement, ce goût de Tim personnalité se développe par suite d’un dressage plus prolongéTjDe même, comme Tesprit mi- litaire est nécessairement plus fort chez les rengagés et chez les gradés que chez les simples soldats, il est naturel que les premiers soient plus spécialement enchns au suicide que les seconds.[Cette Xi hypothèse permet même de comprendre la singulière supériorité que les sous-officiers ont, à cet égard, sur les officiers. S’ils se tuent davantage, c’est qu’il n’est pas de fonction qui exige au même degré l’habitude de la soumission et de la passivité^Quel- que disciphné que soit l’officier, il doit être, dans une certaine mesure, capable d’initiative; il a un champ d’action plus étendu, par suite, une individualité plus développée. Les conditions fa- vorables au suicide altruiste sont donc moins complètement réa- hsées chez lui que chez le sous-officier; ayant un plus vif senti- ment de ce que vaut sa vie, il est moins porté à s’en défaire. Non seulement cette explication rend compte des faits qui ont été antérieurement exposés, mais elle est, en outre, confirmée par ceux qui suivent. V II ressort du tableau XXIII que le coefficient d’aggravation militaire est d’autant plus élevé que l’ensemble de la popula- tion civile a un moindre penchant au suicide, et inversement. Le Danemark est la terre classique du suicide, les soldats ne s’y tuent pas plus que le reste des habitants. Les États les plus fé- conds en suicides sont ensuite la Saxe, la Prusse et la France: Tarmée n’y est pas très éprouvée, le coefficient d’aggravation y varie entre 1,25 et 1,77. Il est, au contraire, très considérable pour l’Autriche, l’Italie, les États-Unis et l’Angleterre, pays où les civils se tuent très peu. Rosenfeld, dans l’article déjà cité, ayant procédé à un classement des principaux pays d’Europe au point de vue du suicide mihtaire, sans songer d’ailleurs à tirer de ce classement aucune conclusion théorique, est arrivé aux mêmes résultats. Voici, en effet, dans quel ordre il range les dif- férents États avec les coefficients calculés par lui :