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Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/287

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On n’a pas oublié le fameux krach qui se produisit à la Bourse de Paris pendant l’hiver de 1882. Les conséquences s’en firent sentir non seulement à Paris, mais dans toute la France. De 1874 à 1886, l’accroissement moyen annuel n’est que de 2 % ; en 1882, il est de 7 %. De plus, il n’est pas également réparti entre les différents moments de l'année, mais il a lieu surtout pendant les trois premiers mois, c’est-à-dire à l’instant précis où le krach s’est produit. A ce seul trimestre reviennent les 59 centièmes de l’augmentation totale. Cette élévation est si bien le fait de circonstances exceptionnelles que, non seulement on ne la rencontre pas en 1881, mais qu’elle a disparu en 1883, quoique cette dernière année ait, dans l’ensemble, un peu plus de suicides que la précédente :

1881. 1882. 1883.

Année totale 6.741 7.213 (+7 %) 7.267

Premier trimestre 1.589 1.770 (+11 %) 1.604

Ce rapport ne se constate pas seulement dans quelques cas exceptionnels; il est la loi. Le chiffre des faillites est un baromètre qui reflète avec une suffisante sensibilité les variations par lesquelles passe la vie économique. Quand, d’une année à l’autre, elles deviennent brusquement plus nombreuses, on peut être assuré qu’il s’est produit quelque grave perturbation. De 1845 à 1869, il y a eu, à trois reprises, de ces élévations soudaines, symptômes de crises. Tandis que, pendant cette période, l’accroissement annuel du nombre des faillites est de 3,2 0/0, il est de 26 0/0 en 1847, de 37 0/0 en 1854, et de 20 0/0 en 1864. Or, à ces trois moments, on constate également une ascension exceptionnellement rapide dans le chiffre des suicides. Tandis que, pendant ces 24 années, l’augmentation moyenne annuelle est seulement de 2 0/0, elle est de 17 0/0 en 1847, de 8 0/0 en 1834, de 9 0/0 en 1861.

Mais à quoi ces crises doivent-elles leur influence? Est-ce parce que, en faisant fléchir la fortune publique, elles augmentent la misère ? Est-ce parce que la vie devient plus difficile