Aller au contenu

Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/31

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
11
INTRODUCTION.

Non seulement ce taux est constant pendant de longues périodes de temps, mais l’invariabilité en est même plus grande que celle des principaux phénomènes démographiques. La mortalité générale, notamment, varie beaucoup plus souvent d’une année à l’autre et les variations par lesquelles elle passe sont beaucoup plus importantes. Pour s’en assurer, il suffit de comparer, pendant plusieurs périodes, la manière dont évoluent l’un et l’autre phénomène. C’est ce que nous avons fait au tableau II (V. p. 12). Pour faciliter le rapprochement, nous avons, tant pour les décès que pour les suicides, exprimé le taux de chaque année en fonction du taux moyen de la période, ramené à 100. Les écarts d’une année à l’autre ou par rapport au taux moyen sont ainsi rendus comparables dans les deux colonnes. Or, il résulte de cette comparaison qu’à chaque période l’ampleur des variations est beaucoup plus considérable du côté de la mortalité générale que du côté des suicides ; elle est, en moyenne, deux fois plus grande. Seul, l’écart minimum entre deux années consécutives est sensiblement de même importance de part et d’autre pendant les deux dernières périodes. Seulement, ce minimum est une exception dans la colonne des décès, alors qu’au contraire les variations annuelles des suicides ne s’en écartent qu’exceptionnellement. On s’en aperçoit en comparant les écarts moyens[1].

Il est vrai que, si l’on compare, non plus les années successives d’une même période, mais les moyennes de périodes différentes, les variations que l’on observe dans le taux de la mortalité deviennent presque insignifiantes. Les changements en sens contraires qui ont lieu d’une année à l’autre et qui sont dus à l’action de causes passagères et accidentelles, se neutralisent mutuellement quand on prend pour base du calcul une unité de temps plus étendue ; ils disparaissent donc du chiffre moyen qui, par suite de cette élimination, présente une assez grande invariabilité. Ainsi, en France, de 1841 à 1870 il a été

  1. Wagner avait déjà comparé de cette manière la mortalité et la nuptialité (Die Gesetzmässigkeit, etc., p. 87).