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Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/318

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296 LE SUICIDE. aulreâ, quoiqu’à un moindre degré. Car. de même que là où il y a beaucoup de suicides il y a beaucoup de tentatives de soi- cides, et que la mortalité ne peut croître sans que la morbidité augmente en même temps, il doit y avoir beaucoup de ménages plus ou moins proches du divorce là où il y a beaucoup de divorces effectifs. Le nombre de ces derniers ne peut donc s’é- /lever, sans que se développe et se généralise dans la même me- sure cet état de la famille qui prédispose au suicide et, par conséquent, il est naturel que les deux phénomènes varient I dans le même sens. Outre que cette hypothèse est conforme à tout ce qui a été antérieurement démontré, elle est susceptible d’une preuve di- recte. En effet, si elle est fondée, les gens mariés doivent avoir, dans les pays où les divorces sont nombreux, une moindre im- munité contre le suicide que là où le mariage est indissoluble. C’est effectivement ce qui résulte des faits, du moins en ce qui concerne les époux, comme le montre le Tableau XXVII (p. 295). L’Italie, pays catholique où le divorce est inconnu, est aussi celui où le coefficent de préservation des époux est le plus élevé; il est moindre en France où les séparations de corps ont toujours été plus fréquentes, et on le voit décroître à mesure qu’on passe à des sociétés où le divorce est plus largement pra- tiqué W. (1) Si nous ne comparons à ce point de vue que ces quelques pays, c’est que, pour les autres, les statistiques confondent les suicides d*épouz avec ceux de8 épouses et on verra plus bas combien il est nécessaire de les distinguer. Mais il ne faudrait pas conclure de ce tableau qu’en Prusse, à Bade et en Saxe, les époux se tuent réellement plus que les garçons. Il ne faut pas perdre de vue que ces coefficients ont été établis indépendamment de Tâge et de son influence sur le suicide. Or, comme les hommes de 25 à 30 ans, âge moyen des garçons, se tuent deux fois moins environ que les hommes de 40 à 45 ans, âge moyen des époux, ceux-ci jouissent d’une immunité même dauH les pays où le divorce est fréquent ; mais elle y est plus faible qu’ailleurs. Pour qu’on pût dire qu’elle y est nulle, il faudrait que le taux des mariés, ab- straction faite de l’âge, fût deux fois plus fort que celui des célibataires ; ce qui n’est pas le cas. Cette omission n’atteint, d’ailleurs, en rien la conclusion à laquelle nous sommes arrivé. Car l’âge moyen des époux varie peu d’un pays à l’autre, de deux ou trois ans seulement, et, d’un autre côté, la loi selon laquelle l’Age agit sur le suicide est partout la même. Par conséquent, en né-