Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/324

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inverse se produit. Cest la femme qui gagne du terrain par le fait du mariage et Thomme qui en perd; et le profit qu’elle en tire est plus considérable en Prusse qu’à Bade et en Saxe qu’en Prusse, Il atteint son maximum dans le pays où les divorces, de leur côté, ont leur fréquence maxima.

On peut donc considérer comme au-dessus de toute contestation la loi suivante : Le mariage favorise d’autant plus la femme au point de vue du suicide que le divorce est plus pratiqué, et inversement.

De cette proposition sortent deux conséquences. La première, c’est que les époux contribuent seuls à cette élévation du taux des suicides que l’on observe dans les sociétés où les divorces sont fréquents, les épouses, au contraire, s’y tuant moins qu’ailleurs. Si donc le divorce ne peut se développer sans que la situation morale de la femme s’améliore, il est inadmissible qu’il soit lié à un mauvais état de la société domestique de nature à aggraver le penchant au suicide ; car cette aggravation devrait se produire chez la femme comme chez le mari. Un affaiblissement de l'esprit de famille ne peut avoir des effets aussi opposés sur les deux sexes : il ne peut pas favoriser la mère et atteindre aussi gravement le père. Par conséquent, c’est dans l’état du mariage et non dans la constitution de la famille que se trouve la cause du phénomène que nous étudions. Et en effet, il est très possible que le mariage agisse en sens inverse sur le mari et sur la femme. Car si, en tant que parents, ils ont le même objectif, en tant que conjoints, leurs intérêts sont différents et souvent antagonistes. Il peut donc très bien se faire que, dans certaines sociétés, telle particularité de l’institution matrimoniale profite à l’un et nuise à l’autre. Tout ce qui précède tend à prouver que c’est précisément le cas du divorce.

En second lieu, la même raison nous oblige à rejeter l’hypothèse d’après laquelle ce mauvais état du mariage, dont divorces et suicides sont solidaires, consisterait simplement en une plus grande fréquence des discussions domestiques ; car, pas plus que le relâchement du lien familial , une telle cause ne saurait