Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/359

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l’élément social du suicide. 337 ou tel incident de sa carrière, c’est du groupe dont il fait partie. Voilà pourquoi il n’est rien qui ne puisse servir de cause occa- sionnelle au suicide. Tout dépend de l’intensité avec laquelle les causes suicidogènes ont agi sur l’individu. II. D’ailleurs, à elle seule, la constance du taux social des sui- cides suffirait à démontrer l’exactitude de cette conclusion. Si, par méthode, nous avons cru devoir réserver jusqu’à présent le problème, en fait, il ne comporte pas -d’autre solution. Quand Quételet signala à l’attention des philosophes (*) la sur- prenante régularité avec laquelle certains phénomènes sociaux se répètent pendant des périodes de temps identiques, il crut pou- voir en rendre compte par sa théorie de Thomme moyen, qui est restée, d’ailleurs, la seule explication systématique de celte re- marquable propriété. Suivant lui, il y a dans chaque société un type déterminé, que la généralité des individus reproduit plus ou moins exactement, et dont la minorité seule tend à s’écarter sous l’influence de causes perturbatrices. 11 y a, par exemple, un ensemble de caractères physiques et moraux que présentent la plupart des Français, mais qui ne se retrouvent pas au même degré ni de la même manière chez les Italiens ou chez les Alle- mands, et réciproquement. Comme, par définition, ces caractères (1) Notamment dans ses deux ouvrages Sur V homme et le développem,e)tt de ses facultés ou Essai de physique sociale, 2 vol., Paris 1835, et Du système social et des lois qui le régissent, Paris 1848. Si Quételet est le premier qui ait essayé d’expliquer scientifiquement cette régularité, il n’est pas le premier qui Tait observée. Le véritable fondateur de la statistique morale est le pas- teur Siissmilch, dans son ouvrage, Die Gôttliche Ordnung in den Verànde- rungen des menschlichen Geschlechis, aus der Gehurt^ dem Tode und der Fort- pjianzung desselben erwiesen, 3 vol., 1742. V. sur cette même question : Wagner, Die Gesetzmàssigkeit, etc., première partie ; Drobisch, Die Moralische Statistik und die menschliche Willensfreiheify Leipzig, 1867 (surtout p. 1-58) ; Mayr, Die Gesetzmàssigkeit im Gesellschaffs- lehen, Munich, 1877; Oettingen, Moralstatistik, p. 90 etsuiv. DuRKHem. 22