Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/419

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LE SUICIDE ET LES AUTRES PHENOMENES SOCIAUX. 397 qu’il y ait à ne pas les perdre de vue, il en est de contraires qui ne sont pas moins constants et qui sont même beaucoup plus nombreux. Si, dans certains cas, les deux phénomènes concor- dent, au moins partiellement, dans d’autres, ils sont manifeste- ment en antagonisme : ° Si, à de certains moments du siècle, ils progressent dans le même sens, les deux courbes, prises dans leur ensemble, là du moins où on peut les suivre pendant un temps assez long, contrastent très nettement. En France, de 1826 à 1880, le sui- cide croît régulièrement, ainsi que nous l’avons vu; l’homicide, au contraire, tend à décroître, quoique moins rapidement. En 1826-30, il y avait annuellement 279 accusés de meurtre en moyenne, il n’y en avait plus que 160 en 1876-80 et, dans l’in- tervalle, leur nombre était même tombé à 121 en 1861-65 et à 119 en 1856-60. A deux époques, vers 1845 et au lendemain de la guerre, il y a eu tendance au relèvement; mais si Ton fait abstraction de ces oscillations secondaires, le mouvement géné- ral de décroissance est évident. La diminution est de 43 0/0, d’autant plus sensible que la population s’est, en même temps, accrue de 16 0/0. La régression est moins marquée pour les assassinats. Il y avait 238 accusés en 1826-30, il y en avait encore 239 en 1876- 80. Le recul n’est sensible que si l’on tient compte de l’ac- croissement de la population. Cette différence dans l’évolution de l’assassinat n’a rien qui doive surprendre. C’est, en effet, un crime mixte qui a des caractères communs avec le meurtre, mais en a aussi de différents ; il ressortit, en partie, à d’autres causes. Tantôt, ce n’est qu’un meurtre plus réfléchi et plus voulu, tantôt, ce n’est que l’accompagnement d’un crime contre la pro- priété. A ce dernier titre, il est placé sous la dépendance d’au- tres facteurs que Thomicide. Ce qui le détermine, ce n’est pas l’ensemble des tendances de toutes sortes qui poussent à Teffusion du sang, mais les mobiles très différents qui sont à la racine du vol. La dualité de ces deux crimes était déjà sensible dans le tableau de leurs variations mensuelles et saisonnières. L’assas- sinat atteint son point culminant en hiver et plus spécialement