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LA RACE, l’hérédité. 67

2° Nous verrons plus loin que le suicide était fréquent chez les anciens Celtes (1). Si donc, aujourd’hui, il est rare dans les populations qu’on suppose être d’origine celtique, ce ne peut être en vertu d’une propriété congénitale de la race, mais de circonstances extérieures qui ont changé.

3° Celtes et Kyniris ne constituent pas des races primitives et pures ; ils étaient affiliés « par le sang, comme par le langage et les croyances (2) ». Les uns et les autres ne sont que des variétés de cette race d’hommes blonds et à haute stature qui, soit par invasions en masse, soit par essaims successifs, se sont peu à peu répandus dans toute l’Europe. Toute la différence qu’il y a entre eux au point de vue ethnographique, c’est que les Celtes, en se croisant avec les races brunes et petites du Midi, se sont écartés davantage du type commun. Par consé- quent, si la plus grande aptitude des Kymris pour le suicide a des causes ethniques, elle viendrait de ce que, chez eux, la race primitive s’est moins altérée. Mais alors, on devrait voir, même en dehors de la France, le suicide croître d’autant plus que les caractères distinctifs de cette race sont plus accusés. Or il n’en est rien. C’est en Norwège que se trouvent les plus hautes tailles de l’Europe (1 m. 72) et, d’ailleurs, c’est vraisemblablement du Nord, en particulier des bords de la Baltique, que ce type est originaire ; c’est aussi là qu’il passe pour s’être le mieux maintenu. Pourtant, dans la presqu’île Scandinave, le taux des suicides n’est pas élevé. La même race, dit-on, a mieux conservé sa pureté en Hollande, en Belgique et en Angleterre qu’en France (3), et cependant ce dernier pays est beaucoup plus fécond en suicides que les trois autres.

Du reste, cette distribution géographique des suicides français peut s’expliquer sans qu’il soit nécessaire de faire intervenir les puissances obscures de la race. On sait que notre pays est divisé, moralement aussi bien qu’ethnologiquement, en deux parties qui ne se sont pas encore complètement péné-

1) V. plus bas, li^r. II, ch. iv, p. 234, 239. (2) Broca, op, cii,^ 1. 1, p. 394. (3) V. Topinard, Anthropologie, p. 464.