Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/16

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Comment donc est-il possible d’arriver à les atteindre ?

Ce n’est certainement pas en observant les religions complexes qui apparaissent dans la suite de l’histoire. Chacune d’elles est formée d’une telle variété d’éléments qu’il est bien difficile d’y distinguer le secondaire du principal et l’essentiel de l’accessoire. Que l’on considère des religions comme celles de l’Égypte, de l’Inde ou de l’antiquité classique ! C’est un enchevêtrement touffu de cultes multiples, variables avec les localités, avec les temples, avec les générations, les dynasties, les invasions, etc. Les superstitions populaires y sont mêlées aux dogmes les plus raffinés. Ni la pensée ni l’activité religieuse ne sont également réparties dans la masse des fidèles ; suivant les hommes, les milieux, les circonstances, les croyances comme les rites sont ressentis de façons différentes. Ici, ce sont des prêtres, là, des moines, ailleurs, des laïcs ; il y a des mystiques et des rationalistes, des théologiens et des prophètes, etc. Dans ces conditions, il est difficile d’apercevoir ce qui est commun à tous. On peut bien trouver le moyen d’étudier utilement, à travers l’un ou l’autre de ces systèmes, tel ou tel fait particulier qui s’y trouve spécialement développé, comme le sacrifice ou le prophétisme, le monachisme ou les mystères ; mais comment découvrir le fond commun de la vie religieuse sous la luxuriante végétation qui le recouvre ? Comment, sous le heurt des théologies, les variations des rituels, la multiplicité des groupements, la diversité des individus, retrouver les états fondamentaux, caractéristiques de la mentalité religieuse en général ?

Il en va tout autrement dans les sociétés inférieures. Le moindre développement des individualités, l’étendue plus faible du groupe, l’homogénéité des circonstances extérieures, tout contribue à réduire les différences et les variations au minimum. Le groupe réalise, d’une manière régulière, une uniformité intellectuelle et morale dont nous ne trouvons que de rares exemples dans les sociétés plus avancées. Tout est commun à tous. Les mouvements sont