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plus, semble-t-il, de noms déterminés ; dans d’autres, où ces noms existent, le sens n’en est plus connu même des indigènes. Mais il n’y a rien là qui puisse surprendre. Les phratries sont certainement une institution primitive, car elles sont partout en voie de régression ; ce sont les clans, issus d’elles, qui sont passés au premier plan. Il est donc naturel que les noms qu’elles portaient se soient peu à peu effacés des mémoires, ou qu’on ait cessé de les comprendre ; car ils devaient appartenir à une langue très archaïque qui n’est plus en usage. Ce qui le prouve, c’est que, dans plusieurs cas où nous savons de quel animal la phratrie porte le nom, le mot qui désigne cet animal dans la langue courante est entièrement différent de celui qui sert à la dénommer[1].

Entre le totem de la phratrie et les totems des clans, il existe comme un rapport de subordination. En effet, chaque clan, en principe, appartient à une phratrie et à une seule ; il est tout à fait exceptionnel qu’il compte des représentants dans l’autre phratrie. Le cas ne se rencontre guère que dans certaines tribus du centre, notamment chez les Arunta[2] ; encore, même là où, sous des influences perturbatrices, il se produit des chevauchements de ce genre, le gros du clan est tout entier compris dans une des deux moitiés de la tribu ; seule, une minorité se trouve de l’autre côté[3]. La règle est donc que les deux phratries ne se

  1. Par exemple, Mukwara, qui désigne une phratrie chez les Barkinji, les Paruinji, les Milpulke, signifie, d’après Brough Smyth, aigle-faucon ; or, parmi les clans compris dans cette phratrie, il en est un qui a pour totem l’aigle-faucon. Mais ici, cet animal est désigné par le mot de Bilyara. On trouvera plusieurs cas du même genre, cités par Lang, op. cit., p. 162.
  2. Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 115. D’après Howitt (op. cit., p. 121 et 454), chez les Wotjobaluk, le clan du Pélican serait également représenté dans les deux phratries. Le fait nous paraît douteux. Il serait très possible que ces deux dclans aient pour totems deux espèces différentes de pélicans. C’est ce qui semble ressortir des indications données par Mathew sur la même tribu (Aboriginal Tribes of N. S. Wales a. Victoria in Journal and Proceedings of the Royal Society of N. S. Wales, 1904, p. 287-288).
  3. V. sur cette question notre mémoire sur : Le totémisme, in Année sociologique, t. V, p. 82 et suiv.