Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/21

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faits très élémentaires. Quand nous en aurons rendu compte, dans la mesure où ce nous sera possible, les nouveautés de toute sorte qui se sont produites dans la suite de l’évolution ne seront pas expliquées pour cela. Mais si nous ne songeons pas à nier l’importance des problèmes qu’elles posent, nous estimons qu’ils gagnent à être traités à leur heure et qu’il y a intérêt à ne les aborder qu’après ceux dont nous allons entreprendre l’étude.

II

Mais notre recherche n’intéresse pas seulement la science des religions. Toute religion, en effet, a un côté par où elle dépasse le cercle des idées proprement religieuses et, par là, l’étude des phénomènes religieux fournit un moyen de renouveler des problèmes qui, jusqu’à présent, n’ont été débattus qu’entre philosophes.

On sait depuis longtemps que les premiers systèmes de représentations que l’homme s’est fait du monde et de lui-même sont d’origine religieuse. Il n’est pas de religion qui ne soit une cosmologie en même temps qu’une spéculation sur le divin. Si la philosophie et les sciences sont nées de la religion, c’est que la religion elle-même a commencé par tenir lieu de sciences et de philosophie. Mais ce qui a été moins remarqué, c’est qu’elle ne s’est pas bornée à enrichir d’un certain nombre d’idées un esprit humain préalablement formé ; elle a contribué à le former lui-même. Les hommes ne lui ont pas dû seulement, pour une part notable, la matière de leurs connaissances, mais aussi la forme suivant laquelle ces connaissances sont élaborées.

Il existe, à la racine de nos jugements, un certain nombre de notions essentielles qui dominent toute notre vie intellectuelle ; ce sont celles que les philosophes, depuis Aristote, appellent les catégories de l’entendement :