Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/320

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les Uluuru amenèrent leurs femmes et les livrèrent aux Kingilli[1], qui eurent commerce avec elles. On introduisit alors des jeunes gens récemment initiés auxquels toute la cérémonie fut expliquée en détail et, jusqu’à trois heures du matin, les chants se poursuivirent sans interruption. Alors eut lieu une scène d’une frénésie vraiment sauvage (a scène of the wildest excitement). Tandis que les feux, allumés de tous les côtés, faisaient ressortir violemment la blancheur des gommiers sur le fond des ténèbres environnantes, les Uluuru s’agenouillèrent les uns derrière les autres à côté du tumulus, puis ils en firent le tour en se soulevant de terre, d’un mouvement d’ensemble, les deux mains appuyées sur les cuisses, pour s’agenouiller à nouveau un peu plus loin, et ainsi de suite. En même temps, ils penchaient leurs corps tantôt à droite, tantôt à gauche, poussant tous à la fois, à chacun de ces mouvements, un cri retentissant, véritable hurlement, Yrrsh ! Yrrsh ! Yrrsh ! Cependant, les Kingilli, dans un grand état d’exaltation, faisaient résonner leurs boomerangs et leur chef était encore plus agité que ses compagnons. Une fois que la procession des Uluuru eut fait deux fois le tour du tumulus, ils quittèrent la position agenouillée, s’assirent et se remirent à chanter ; par moments, le chant tombait, puis reprenait brusquement. Quand le jour commença à poindre, tous sautèrent sur leurs pieds ; les feux qui s’étaient éteints furent rallumés, les Uluuru, pressés par les Kingilli, attaquèrent furieusement le cumulus avec des boomerangs, des lances, des bâtons, en quelques minutes il fut mis en pièces. Les feux moururent et ce fut un profond silence[2].

Une scène plus violente encore est celle à laquelle les mêmes observateurs assistèrent pendant les cérémonies du feu, chez les Warrarnunga.

Déjà, depuis la tombée de la nuit, toutes sortes de proces-

  1. Ces femmes étaient elles-mêmes des Kingilli et, par conséquent, ces unions violaient la règle d’exogamie.
  2. North. Tr., p. 237.