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len, Strehlow insiste sur « les rapports intimes qui unissent chaque ancêtre à un animal, à une plante ou à un autre objet naturel ». Quelques-uns de ces Altjirangamitjina (ce sont les gens de l’Alcheringa de Spencer et Gillen), « doivent, dit-il, s’être directement manifestés en qualité d’animaux ; d’autres prenaient la forme animale d’une manière passagère »[1]. Maintenant encore, il leur arrive sans cesse de se transformer en animaux[2]. En tout cas, et quel que soit leur aspect extérieur, « en chacun d’eux, les qualités propres et distinctives de l’animal ressortent avec évidence ». Par exemple, les ancêtres du clan du Kangourou mangent de l’herbe comme des kangourous véritables et fuient devant le chasseur ; ceux du clan de l’Émou courent et se nourrissent comme les émous[3], etc. Il y a plus : ceux des ancêtres qui avaient pour totem un végétal sont devenus, à leur mort, ce végétal lui-même[4] ! D’ailleurs, cette étroite parenté de l’ancêtre et de l’être totémique est si vivement sentie par l’indigène qu’elle affecte la terminologie. Chez les Arunta, l’enfant appelle altjira le totem de sa mère, qui lui sert de totem secondaire[5]. Comme, primitivement, la filiation se faisait en ligne utérine, il y eut un temps où chaque individu n’avait pas d’autre totem que celui de sa mère ; il est donc très vraisemblable que ce terme d’altjira désignait le totem proprement dit. Or il entre évidemment dans la composition du mot qui signifie grand ancêtre, altjirangamitjina[6].

L’idée de totem et celle d’ancêtre sont même si voisines l’une de l’autre que, parfois, on paraît les confondre. Ainsi, après nous avoir parlé du totem de la mère ou altjira, Strehlow ajoute : « Cet altira apparaît aux noirs en rêve

  1. Strehlow, II, p. 51.
  2. Ibid., II, p. 56.
  3. Ibid., I, p. 3-4.
  4. Ibid., II, p. 61.
  5. V. plus haut, p. 261.
  6. Strehlow, II, p. 57 et I, p. 2.