Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/475

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conteste, il est vrai, que tel soit le sens de ce mot. Suivant lui, intichiuma. (ou, comme il écrit, intijiuma) voudrait dire instruire et désignerait les cérémonies que l’on représente devant le jeune homme pour l’initier aux traditions de la tribu. La fête que nous allons décrire porterait le nom de mbatjalkatiuma qui signifie féconder, mettre en bon état[1]. Mais nous ne chercherons pas à trancher cette question de vocabulaire qui touche d’autant moins au fond des choses que les rites dont il va être question sont également célébrés au cours de l’initiation. D’autre part, comme le mot d’Intichiuma appartient aujourd’hui à la langue courante de l’ethnographie, comme il est devenu presque un nom commun, il nous paraît inutile de le remplacer par un autre[2].

La date à laquelle a lieu l’Intichiuma dépend, en grande partie, de la saison. Il existe, en Australie centrale, deux saisons nettement tranchées : l’une, sèche, qui dure longtemps ; l’autre, pluvieuse, qui est, au contraire, très courte et souvent irrégulière. Dès que les pluies sont arrivées, les plantes sortent de terre comme par enchantement, les animaux se multiplient, et des pays qui, la veille, n’étaient que déserts stériles se recouvrent rapidement d’une faune et d’une flore luxuriantes. C’est juste au moment où la bonne saison paraît prochaine que se célèbre l’Intichiuma. Seulement, parce que la période des pluies est très variable, la date des cérémonies ne peut être fixée une fois pour toutes. Elle varie elle-même suivant les circonstances climatériques, que le chef du groupe totémique, l’Alatunja, a, seul, qualité pour apprécier : au jour qu’il juge convenable, il fait savoir à ses compagnons que le moment est arrivé[3].

  1. Strehlow, I, p. 4.
  2. Bien entendu, le mot qui désigne cette fête change avec les tribus. Les Urabunna l’appellent Pitjinta (North. Tr., p. 284) ; les Warramunga Thalaminla (ibid., p. 297), etc.
  3. Schulze, loc. cit., p. 243 ; Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 169-170.