Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/508

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de comprendre d’où provient cette tendance à la périodicité ; le rythme auquel obéit la vie religieuse ne fait qu’exprimer le rythme de la vie sociale, et il en résulte. La société ne peut raviver le sentiment qu’elle a d’elle-même qu’à condition de s’assembler. Mais elle ne peut tenir perpétuellement ses assises. Les exigences de la vie ne lui permettent pas de rester indéfiniment à l’état de congrégation ; elle se disperse donc pour se rassembler à nouveau quand, de nouveau, elle en sent le besoin. C’est à ces alternances nécessaires que répond l’alternance régulière des temps sacrés et des temps profanes. Comme, à l’origine, le culte a pour objet, au moins apparent, de régulariser le cours des phénomènes naturels, le rythme de la vie cosmique a mis sa marque sur le rythme de la vie rituelle. C’est pourquoi les fêtes, pendant longtemps, ont été saisonnières ; nous avons vu que tel était déjà le caractère de l’Intichiuma australien. Mais les saisons n’ont fourni que le cadre extérieur de cette organisation, non le principe sur lequel elle repose ; car même les cultes qui visent des fins exclusivement spirituelles sont restés périodiques. C’est donc que cette périodicité tient à d’autres causes. Comme les changements saisonniers sont, pour la nature, des époques critiques, ils sont une occasion naturelle de rassemblements et, par suite, de cérémonies religieuses. Mais d’autres événements pouvaient jouer et ont effectivement joué ce rôle de causes occasionnelles. Il faut reconnaître toutefois que ce cadre, quoique purement extérieur, a fait preuve d’une singulière force de résistance ; car on en trouve la trace jusque dans les religions qui sont le plus détachées de toute base physique. Plusieurs des fêtes chrétiennes se relient, sans solution de continuité, aux fêtes pastorales et agraires des anciens Hébreux, bien que, par elles-mêmes, elles n’aient plus rien d’agraire ni de pastoral.

Ce rythme est, d’ailleurs, susceptible de varier de forme suivant les sociétés. Là ou la période de dispersion