Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/515

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gravité toute particulière ; car, pendant qu’elle dure, ceux qui y participent, comme acteurs ou comme assistants, ne peuvent avoir aucun rapport avec leurs femmes ; ils ne peuvent même pas leur parler[1].

Chez les Dieri, les procédés de figuration sont différents. La pluie est représentée non par de l’eau, mais par du sang que des hommes font couler de leurs veines sur l’assistance[2]. En même temps, ils lancent des poignées de duvet blanc qui symbolise les nuages. Antérieurement, une hutte a été construite. On y dépose deux larges pierres qui figurent des amoncellements de nuages, présage de la pluie. Après les y avoir laissées quelque temps, on les transporte à une certaine distance de là et on les place aussi haut que possible sur l’arbre le plus élevé qu’on peut trouver ; c’est une manière de déterminer les nuages à monter au ciel. Du gypse, réduit en poudre, est jeté dans un trou d’eau ; ce que voyant, l’esprit de la pluie fait apparaître aussitôt les nuages. Enfin, tous, jeunes et vieux, se réunissent autour de la hutte, et, tête baissée, se précipitent sur elle ; ils passent violemment au travers, recommencent le mouvement plusieurs fois, jusqu’à ce que, de toute la construction, il ne reste plus debout que les poutres qui la supportent. Alors, on s’en prend à ces dernières, on les ébranle, on les arrache jusqu’à ce que tout s’écroule définitivement. L’opération qui consiste à percer la hutte de part en part est destinée à représenter les nuages qui s’en trouvent, et l’écroulement de la construction, la chute de la pluie[3].

  1. North. Tr., p. 294-296. Il est curieux que, chez les Anula, l’arc-en-ciel soit, au contraire, considéré comme producteur de la pluie (ibid., p. 314).
  2. Le même procédé est employé chez les Arunta (Strehlow, III, p. 132). On peut se demander, il est vrai, si cette effusion de sang ne serait pas une oblation destinée à dégager des principes producteurs de pluie. Cependant Gason dit formellement que c’est un moyen d’imiter l’eau qui tombe.
  3. Gason, The Dieyerie Tribe, in Curr, II, p. 66-68. Howitt (Nat. Tr., p. 798-900) mentionne un autre rite des Dieri pour obtenir de la pluie.