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de force et de confiance : on est plus assuré dans sa foi quand on voit à quel passé lointain elle remonte et les grandes choses qu’elle a inspirées. C’est ce caractère de la cérémonie qui la rend instructive. Elle tend tout entière à agir sur les consciences et sur elles seules. Si donc on croit cependant qu’elle agit sur les choses, qu’elle assure la prospérité de l’espèce, ce ne peut être que par un contrecoup de l’action morale qu’elle exerce et qui, de toute évidence, est la seule qui soit réelle. Ainsi l’hypothèse que nous avons proposée se trouve vérifiée par une expérience significative, et la vérification est d’autant plus probante que, comme nous venons de l’établir, entre le système rituel des Warrarnunga et celui des Arunta il n’y a pas de différence de nature. L’un ne fait que mettre plus clairement en évidence ce que nous avions déjà conjecturé de l’autre.

II

Mais il existe des cérémonies où ce caractère représentatif et idéaliste est encore plus accentué.

Dans celles dont il vient d’être question, la représentation dramatique n’était pas là pour elle-même : elle n’était qu’un moyen en vue d’une fin toute matérielle, la reproduction de l’espèce totémique. Mais il en est d’autres qui ne diffèrent, pas spécifiquement des précédentes et d’où, pourtant, toute préoccupation de ce genre est absente. On y représente le passé dans le seul but de le représenter, de le graver plus profondément dans les esprits, sans qu’on attende du rite aucune action déterminée sur la nature. Tout au moins, les effets physiques qui lui sont parfois imputés sont tout à fait au second plan et sans rapport avec l’importance liturgique qui lui est attribuée.

C’est le cas notamment des fêtes que les Warrarnunga célèbrent en l’honneur du serpent Wollunqua[1].

  1. North. Tr., p. 226 et suiv. Cf. sur le même sujet quelques passages de Eylmann qui se rapportent évidemment au même être mythique (Die Eingeborenen, etc., p. 185). Strehlow nous signale également chez les Arunta un serpent mythique (Kulaia, serpent d’eau) qui pourrait bien n’être pas très différent du Wollunqua (Strehlow, I, p. 78 ; cf. II, p. 71 où le Kulaia figure sur la liste des totems).