Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/573

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On commence par fabriquer des ornements d’un genre très particulier, nommés Chimurilia par les hommes et Aramurilia par les femmes. Avec une sorte de résine, on fixe de petits os d’animaux, antérieurement recueillis et mis de côté, à des boucles de cheveux que des parentes de la morte ont fournies. On attache ces sortes de pendentifs à un de ces bandeaux de tête que les femmes portent communément et on y ajoute des plumes de kakatoès blanc et de perroquet. Ces préparatifs terminés, les femmes s’assemblent dans leur camp. Elles se peignent le corps de couleurs différentes suivant leur degré de parenté avec la défunte. Après s’être tenues embrassées les unes les autres pendant une dizaine de minutes, tout en faisant entendre un gémissement ininterrompu, elles se mettent en marche pour le tombeau. À une certaine distance, elles rencontrent un frère de sang de la morte, qu’accompagnent quelques-uns de ses frères tribaux. Tout le monde s’assied par terre et les lamentations recommencent. Un pitchi[1] qui contient les Chimurilia est alors présenté au frère aîné qui le serre contre son estomac ; on dit que c’est un moyen d’apaiser sa douleur. On sort un de ces Chimurilia et la mère de la morte s’en coiffe pendant quelques instants ; puis, il est remis dans le pitchi que les autres hommes serrent, à tour de rôle, contre leur poitrine. Enfin, le frère met les Chimurilia sur la tête des deux sœurs aînées et on reprend le chemin du tombeau. En route, la mère se jette à plusieurs reprises par terre, cherchant à se taillader la tête avec un bâton pointu. À chaque fois, les autres femmes la relèvent et semblent préoccupées de l’empêcher de se faire du mal. Une fois parvenue au tombeau, elle se précipite sur le tertre, s’efforce de le détruire avec ses mains, tandis que les autres femmes dansent littéralement sur elle. Les mères tribales et les tantes (sœurs du père de la morte) suivent son exemple ;

  1. Petit vaisseau en bois dont il a déjà été question plus haut, p. 477.