Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/107

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si un fait social est normal ou non, qu’on jugera peut-être cette procédure inutilement compliquée. Il ne semble pas qu’il faille faire tant d’affaires pour distinguer la maladie de la santé. Ne faisons-nous pas tous les jours de ces distinctions ? — Il est vrai ; mais il reste à savoir si nous les faisons à propos. Ce qui nous masque les difficultés de ces problèmes, c’est que nous voyons le biologiste les résoudre avec une aisance relative. Mais nous oublions qu’il lui est beaucoup plus facile qu’au sociologue d’apercevoir la manière dont chaque phénomène affecte la force de résistance de l’organisme et d’en déterminer par là le caractère normal ou anormal avec une exactitude pratiquement suffisante. En sociologie, la complexité et la mobilité plus grandes des faits obligent à bien plus de précautions, comme le prouvent les jugements contradictoires dont le même phénomène est l’objet de la part des partis. Pour bien montrer combien cette circonspection est nécessaire, faisons voir par quelques exemples à quelles erreurs on s’expose quand on ne s’y astreint pas et sous quel jour nouveau les phénomènes les plus essentiels apparaissent, quand on les traite méthodiquement.

S’il est un fait dont le caractère pathologique paraît incontestable, c’est le crime. Tous les criminologistes s’entendent sur ce point. S’ils expliquent cette morbidité de manières différentes, ils sont unanimes à la reconnaître. Le problème, cependant, demandait à être traité avec moins de promptitude.

Appliquons, en effet, les règles précédentes. Le crime ne s’observe pas seulement dans la plupart des sociétés de telle ou telle espèce, mais dans toutes les sociétés de tous les types. Il n’en est pas ou il n’existe