Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/127

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gresse par l’union de quelques-uns de ces agrégats en agrégats plus grands, et qu’après s’être consolidés, ces groupes s’unissent avec d’autres semblables à eux pour former des agrégats encore plus grands. Notre classification doit donc commencer par des sociétés du premier ordre, c’est-à-dire du plus simple[1]

Malheureusement, pour mettre ce principe en pratique, il faudrait commencer par définir avec précision ce que l’on entend par société simple. Or, cette définition, non seulement M. Spencer ne la donne pas, mais il la juge à peu près impossible[2]. C’est que, en effet, la simplicité, comme il l’entend, consiste essentiellement dans une certaine grossièreté d’organisation. Or il n’est pas facile de dire avec exactitude à quel moment l’organisation sociale est assez rudimentaire pour être qualifiée de simple ; c’est affaire d’appréciation. Aussi la formule qu’il en donne est-elle tellement flottante qu’elle convient à toute sorte de sociétés. « Nous n’avons rien de mieux à faire, dit-il, que de considérer comme une société simple celle qui forme un tout non assujetti à un autre et dont les parties coopèrent, avec ou sans centre régulateur, en vue de certaines fins d’intérêt public[3]. » Mais il y a nombre de peuples qui satisfont à cette condition. Il en résulte qu’il confond, un peu au hasard, sous cette même rubrique toutes les sociétés les moins civilisées. On imagine ce que peut être, avec un pareil point de départ,

  1. Sociologie, II, 135.
  2. «Nous ne pouvons pas toujours dire avec précision ce qui constitue une société simple.» (Ibid., 135,136.)
  3. Ibid., 136