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III

Ces règles répondent implicitement à une question que le lecteur s’est peut-être posée en nous voyant parler d’espèces sociales comme s’il y en avait, sans en avoir directement établi l’existence. Cette preuve est contenue dans le principe même de la méthode qui vient d’être exposée.

Nous venons de voir, en effet, que les sociétés n’étaient que des combinaisons différentes d’une seule et même société originelle. Or, un même élément ne peut se composer avec lui même et les composés qui en résultent ne peuvent, à leur tour, se composer entre eux que suivant un nombre de modes limité, surtout quand les éléments composants sont peu nombreux ; ce qui est le cas des segments sociaux. La gamme des combinaisons possibles est donc finie et, par suite, la plupart d’entre elles, tout au moins, doivent se répéter. Il se trouve ainsi qu’il y a des espèces sociales. Il reste, d’ailleurs, possible que certaines de ces combinaisons ne se produisent qu’une seule fois. Cela n’empêche pas qu’il y ait des espèces. On dira seulement dans les cas de ce genre que l’espèce ne compte qu’un individu[1].

Il y a donc des espèces sociales pour la même raison qui fait qu’il y a des espèces en biologie. Celles-ci, en effet, sont dues à ce fait que les organismes ne sont que des combinaisons variées d’une seule et même unité anatomique. Toutefois, il y a,

  1. N’est-ce pas le cas de l’empire romain, qui parait bien être sans analogue dans l’histoire ?