Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/149

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lesquelles elle a passé n’ont d’autre objet que de rendre cette réalisation plus facile et plus complète. C’est en vertu de ce principe que, avant de procéder à aucune recherche sur l’organisation sociale, M. Spencer a cru devoir consacrer presque tout le premier tome de ses Principes de sociologie à l’étude de l’homme primitif physique, émotionnel et intellectuel. « La science de la sociologie, dit-il, part des unités sociales, soumises aux conditions que nous avons vues, constituées physiquement, émotionnellement et intellectuellement, et en possession de certaines idées acquises de bonne heure et des sentiments correspondants[1]. » Et c’est dans deux de ces sentiments, la crainte des vivants et la crainte des morts, qu’il trouve l’origine du gouvernement politique et du gouvernement religieux[2]. Il admet, il est vrai, que, une fois formée, la société réagit sur les individus[3]. Mais il ne s’ensuit pas qu’elle ait le pouvoir d’engendrer directement le moindre fait social ; elle n’a d’efficacité causale à ce point de vue que par l’intermédiaire des changements qu’elle détermine chez l’individu. C’est donc toujours de la nature humaine, soit primitive, soit dérivée, que tout découle. D’ailleurs, cette action que le corps social exerce sur ses membres ne peut rien avoir de spécifique, puisque les fins politiques ne sont rien en elles-mêmes, mais une simple expression résumée des fins individuelles[4]. Elle ne peut

  1. Op. cit., I, 583.
  2. Ibid., 582.
  3. Ibid., 18.
  4. « La société existe pour le profit de ses membres, les membres n’existent pas pour le profit de la société… : les