Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/183

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Inversement, quand il s’agit de l’effet, le savant distingue souvent ce que le vulgaire confond. Pour le sens commun, le mot de fièvre désigne une seule et même entité morbide ; pour la science, il y a une multitude de fièvres spécifiquement différentes et la pluralité des causes se trouve en rapport avec celle des effets ; et si entre toutes ces espèces nosologiques il y a pourtant quelque chose de commun, c’est que ces causes, également, se confondent par certains de leurs caractères.

Il importe d’autant plus d’exorciser ce principe de la sociologie que nombre de sociologues en subissent encore l’influence, et cela alors même qu’ils n’en font pas une objection contre l’emploi de la méthode comparative. Ainsi, on dit couramment que le crime peut être également produit par les causes les plus différentes ; qu’il en est de même du suicide, de la peine, etc. En pratiquant dans cet esprit le raisonnement expérimental, on aura beau réunir un nombre considérable de faits, on ne pourra jamais obtenir de lois précises, de rapports déterminés de causalité. On ne pourra qu’assigner vaguement un conséquent mal défini à un groupe confus et indéfini d’antécédents. Si donc on veut employer la méthode comparative d’une manière scientifique, c’est-à-dire en se conformant au principe de causalité tel qu’il se dégage de la science elle-même, on devra prendre pour base des comparaisons que l’on institue la proposition suivante : À un même effet correspond toujours une même cause. Ainsi, pour reprendre les exemples cités plus haut, si le suicide dépend de plus d’une cause, c’est que, en réalité, il y a plusieurs espèces de suicides. Il en est de même du crime.