Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/195

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de la famille, du mariage, de la propriété, etc., il faudrait connaître quelles en sont les origines, quels sont les éléments simples dont ces institutions sont composées et, sur ces points, l’histoire comparée des grandes sociétés européennes ne saurait nous apporter de grandes lumières. Il faut remonter plus haut.

Par conséquent, pour rendre compte d’une institution sociale, appartenant à une espèce déterminée, on comparera les formes différentes qu’elle présente, non seulement chez les peuples de cette espèce, mais dans toutes les espèces antérieures. S’agit-il, par exemple, de l’organisation domestique ? On constituera d’abord le type le plus rudimentaire qui ait jamais existé, pour suivre ensuite pas à pas la manière dont il s’est progressivement compliqué. Cette méthode, que l’on pourrait appeler génétique, donnerait d’un seul coup l’analyse et la synthèse du phénomène. Car, d’une part, elle nous montrerait à l’état dissocié les éléments qui le composent, par cela seul qu’elle nous les ferait voir se surajoutant successivement les uns aux autres et, en même temps, grâce à ce large champ de comparaison, elle serait beaucoup mieux en état de déterminer les conditions dont dépendent leur formation et leur association. Par conséquent, on ne peut expliquer un fait social de quelque complexité qu’à condition d’en suivre le développement intégral à travers toutes les espèces sociales. La sociologie comparée n’est pas une branche particulière de la sociologie ; c’est la sociologie même, en tant qu’elle cesse d’être purement descriptive et aspire à rendre compte des faits.

Au cours de ces comparaisons étendues, se