Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/204

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tivement constituée que quand elle est parvenue à se faire une personnalité indépendante. Car elle n’a de raison d’être que si elle a pour matière un ordre de faits que n’étudient pas les autres sciences. Or il est impossible que les mêmes notions puissent convenir identiquement à des choses de nature différente.

Tels nous paraissent être les principes de la méthode sociologique.

Cet ensemble de règles paraîtra peut-être inutilement compliqué, si on le compare aux procédés qui sont couramment mis en usage. Tout cet appareil de précautions peut sembler bien laborieux pour une science qui, jusqu’ici, ne réclamait guère, de ceux qui s’y consacraient, qu’une culture générale et philosophique ; et il est, en effet, certain que la mise en pratique d’une telle méthode ne saurait avoir pour effet de vulgariser la curiosité des choses sociologiques. Quand, comme condition d’initiation préalable, on demande aux gens de se défaire des concepts qu’ils ont l’habitude d’appliquer à un ordre de choses, pour repenser celles-ci à nouveaux frais, on ne peut s’attendre à recruter une nombreuse clientèle. Mais ce n’est pas le but où nous tendons. Nous croyons, au contraire, que le moment est venu pour la sociologie de renoncer aux succès mondains, pour ainsi parler, et de prendre le caractère ésotérique qui convient à toute science. Elle gagnera ainsi en dignité et en autorité ce qu’elle perdra peut-être en popularité. Car tant qu’elle reste mêlée aux luttes des partis, tant qu’elle se contente d’élaborer, avec plus de logique que le vulgaire, les idées communes et que, par suite, elle ne suppose aucune compétence spéciale,