Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/92

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la mortalité la plus basse que l’on connaisse se rencontre dans tel groupe déterminé d’individus ; mais on ne peut pas démontrer qu’il ne saurait y en avoir de plus basse. Qui nous dit que d’autres arrangements ne sont pas possibles, qui auraient pour effet de la diminuer encore ? Ce minimum de fait n’est donc pas la preuve d’une parfaite adaptation, ni, par suite, l’indice sûr de l’état de santé si l’on s’en rapporte à la définition précédente. De plus, un groupe de cette nature est bien difficile à constituer et à isoler de tous les autres, comme il serait nécessaire, pour que l’on pût observer la constitution organique dont il a le privilège et qui est la cause supposée de cette supériorité. Inversement, si, quand il s’agit d’une maladie dont le dénouement est généralement mortel, il est évident que les probabilités que l’être a de survivre sont diminuées, la preuve est singulièrement malaisée, quand l’affection n’est pas de nature à entraîner directement la mort. Il n’y a, en effet, qu’une manière objective de prouver que des êtres, placés dans des conditions définies, ont moins de chances de survivre que d’autres, c’est de faire voir que, en fait, la plupart d’entre eux vivent moins longtemps. Or, si, dans les cas de maladies purement individuelles, cette démonstration est souvent possible, elle est tout à fait impraticable en sociologie. Car nous n’avons pas ici le point de repère dont dispose le biologiste, à savoir le chiffre de la mortalité moyenne. Nous ne savons même pas distinguer avec une exactitude simplement approchée à quel moment naît une société et à quel moment elle meurt. Tous ces problèmes qui, déjà en biologie, sont loin d’être clairement résolus, restent encore, pour le sociologue, enveloppés de mystère. D’ailleurs, les