Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/95

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de son contraire avec les forces vitales, cherchons simplement quelque signe extérieur, immédiatement perceptible, mais objectif, qui nous permette de reconnaître l’un de l’autre ces deux ordres de faits.

Tout phénomène sociologique, comme, du reste, tout phénomène biologique, est susceptible, tout en restant essentiellement lui-même, de revêtir des formes différentes suivant les cas. Or, parmi ces formes, il en est de deux sortes. Les unes sont générales dans toute l’étendue de l’espèce ; elles se retrouvent, sinon chez tous les individus, du moins chez la plupart d’entre eux et, si elles ne se répètent pas identiquement dans tous les cas où elles s’observent, mais varient d’un sujet à l’autre, ces variations sont comprises entre des limites très rapprochées. Il en est d’autres, au contraire, qui sont exceptionnelles ; non seulement elles ne se rencontrent que chez la minorité, mais, là même où elles se produisent, il arrive le plus souvent qu’elles ne durent pas toute la vie de l’individu. Elles sont une exception dans le temps comme dans l’espace[1]. Nous sommes donc en présence de deux variétés distinctes

  1. On peut distinguer par là la maladie de la monstruosité. La seconde n’est une exception que dans l’espace ; elle ne se rencontre pas dans la moyenne de l’espèce, mais elle dure toute la vie des individus où elle se rencontre. On voit, du reste, que ces deux ordres de faits ne diffèrent qu’en degrés et sont au fond de même nature ; les frontières entre eux sont très indécises, car la maladie n’est pas incapable de toute fixité, ni la monstruosité de tout devenir. On ne peut donc guère les séparer radicalement quand on les définit. La distinction entre eux ne peut être plus catégorique qu’entre le morphologique et le physiologique, puisque, en somme, le morbide est l’anormal dans l’ordre physiologique comme le tératologique est l’anormal dans l’ordre anatomique.