Page:Duru et Chivot, Madame Favart.djvu/38

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femme, ce sera moi… je vais aller trouver ce gouverneur… Je saurai si bien l’enjôler, l’amadouer, que je l’emporterai sur toutes ces provinciales… ou alors, c’est que je ne serai plus madame Favart !… Allons !… (Elle fait quelques pas et revient.) C’est risqué !… oh ! non !… non… Décidément c’est trop risqué… Eh bien ! quoi, après tout ?… puisque j’ai résisté au maréchal de Saxe, je saurai bien tenir à distance respectueuse ce vieux gouverneur… allons, allons… c’est dit… je n’hésite plus… (Elle va pour sortir et revient.) Oui… mais je ne peux pas me présenter à son hôtel dans ce costume… (Apercevant la pelisse et la mantille de Suzanne.) Ah ! cette pelisse, cette mantille… Je ne sais à qui elles sont… mais, ma foi tant pis !… à la guerre, tous les moyens sont bons… (Elle met la mantille et la pelisse.). Maintenant, allons jouer la comédie… et tâchons de bien jouer, car c’est à notre bénéfice !…

Elle sort au moment où Hector entra par la droite.


Scène XII

HECTOR, puis SUZANNE, puis FAVART.
HECTOR, une lettre à la main.

Voilà ma lettre… (Apercevant madame Favart qui sort par le fond.) Justement, c’est elle… (Remontant.) Suzanne !… Suzanne !… Eh bien ! elle ne répond pas, elle se sauve… Suzanne !…

SUZANNE, entrant par la gauche.

Qui m’appelle ?…

HECTOR, surpris.

Comment vous voilà de ce côté… lorsque je viens de vous voir partir par là… Vous êtes donc double ?…

SUZANNE.

Ah ! mon Dieu !… Est-ce que vous deviendriez fou ?…

HECTOR.

Ça ne m’étonnerait pas. (Avec émotion lui tendant une lettre.)