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amour vainqueur

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bury, invitant les ouvriers à prendre un repos, après leur journée de durs labeurs, c’était six heures du soir, Rogers tout tremblant, devenu pâle, les yeux fixés dans les yeux de Ninie, et tout amoureusement : Ninie, lui dit-il, comme cela, tu t’en vas à Chatham, au couvent ?

Oui, mon cher, reprit-elle avec douceur, mais en y mettant de l’énergie, pour indiquer que sa décision était des plus ferme ; Je veux être instruite.

Ne t’en coûte-t-il pas de quitter Guigues ? il est vrai que le village n’est pas très grand, (Rogers était aussi de Guigues, mais habitait alors Haileybury) cependant, sais-tu qu’il y a, à Haileybury, un jeune homme qui aime à aller voir ce petit village et aussi qu’il éprouve pour toi, un amour des plus grands ? et en prononçant ce mot amour, Rogers, tout bouleversé donna un coup d’aviron, si maladroitement qu’il fit éclabousser un jet d’eau sur la modeste mais jolie petite toilette que sa mère lui avait achetée au début des vacances !

C’était sa première toilette mondaine !

Après un moment d’hésitation, Ninie bien que devinant le trouble dans lequel elle mettait Rogers, reprit ; « mais qui est-il ce jeune homme ? moi, j’ai des amis, mais je n’en connais pas qui éprouvent tant d’amour pour notre petit village et pour moi !» À son tour, Ninie, à la vue de l’embarras de Rogers, devint silencieuse ; sa poitrine soulevée sous les efforts qu’elle faisait pour dissimuler toute l’affection qu’elle ressentait, trahissait ses sentiments et alors elle baissa la vue, et de ses doigts tout tremblants, et feuilletant les jolies roses elle chercha à comprimer tout ce qui se passait dans son âme.

Plusieurs minutes qui n’en parurent qu’une, s’écoulèrent ; seuls, les avirons battant les eaux, rompaient le silence, intervenu entre deux âmes s’aimant au point de ne pas pouvoir s’exprimer. C’est moi ! reprit vivement et soudainement Rogers qui lâchant ses avirons s’élance au cou de Ninie, qui se rendant compte et de son impuissance à se défendre et au degré de l’amour qu’il lui porte et du bonheur qu’elle éprouve de se sentir dans ses bras, demeure impassible, la tête appuyée sur son épaule, et Rogers l’embrasse de toute la force de son âme…