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amour vainqueur

qu’ils n’ont pas assez d’argent pour me pousser dans cette carrière ; j’ai repris mes cours d’études, uniquement parce que j’aimais, à la folie, une jeune fille de par chez nous ; je voulais me rendre digne d’elle ; elle retournait au couvent terminer ses études, et je voulais aussi terminer les miennes dans mon désir de me faire un avenir plus tard avec elle !

Où est-elle maintenant, cette jeune fille ?

Je ne sais pas, mon père, je l’ai perdue de vue ; mais son seul souvenir me trouble et le cœur et la tête ! Sa séparation m’a été si cruelle que j’avais résolu de me faire prêtre tout d’abord et j’avais confié ce secret, cette décision brusque, peut-être trop brusque, à mes parents qui, alors fous de joie, ont par la suite utilisé tous les moyens qu’ils avaient à leurs dispositions, pour me pousser dans cette carrière qui, je le comprends, les aurait honorés, et de concert avec mon oncle le Curé que vous connaissez, ils ont tant fait que je suis sous l’impression que ma liberté est contrainte, que je ne suis plus libre ! Pourtant j’aime le service des Saints Autels, j’aime la prière, j’aime la pénitence ! J’abhorre le blasphème ! J’aime ma religion et tout ce qui la touche de près ou de loin. J’ai une dévotion spéciale pour la Vierge Marie ! Mais toujours je ne suis pas plus avancé ! J’hésite et je suis triste, mon père !

Mon enfant, l’aimez-vous encore cette jeune fille dont vous me parliez ?

Oui, reprit Rogers avec un air de franchise loyale, je l’aime ; je l’aimerais si je devais aller dans le monde. Mais je ne l’ai pas revue depuis bientôt trois ans. Je ne sais ce qu’elle est devenue. Mais ce qui m’empêche d’embrasser la carrière ecclésiastique, sans beaucoup réfléchir, c’est que je crois qu’on m’a envoyé passer mes vacances chez mon oncle le Curé, pour ne pas me permettre de revoir cette jeune fille que j’adorais ; pourtant elle était de bonne famille, bien gentille. Et si vous saviez comme je me suis ennuyé, chez mon oncle qui bien qu’il fut bon pour moi. m’imposait un régime de vie, de religieux !! Quelles tristes vacances j’ai passées ! C’est à peine si j’ai eu le plaisir de pouvoir aller revoir une journée seulement la maison de papa, mon village et ce beau lac Témiscamingue !