Page:Dussault - Amour vainqueur, 1915.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
76
amour vainqueur

 Les corrections sont expliquées en page de discussion

le trouble causé dans leur intérieur, par le choc de leurs diverses situations.

Le cœur est fait pour aimer ; bien qu’il se prête à divers amours, bien qu’il aime souvent aujourd’hui, le contraire de ce qu’il désirait aimer quelques années auparavant, il demeure, lui, toujours lui, capable de donner naissance à l’amour, capable comme la cascade ou la chute, de lancer ses eaux d’une manière impétueuse sans cependant cesser d’être lui, la source même de l’amour.

Ninie avait un cœur qui avait aimé la noblesse, la fierté, la modestie, l’ardente naïveté de Rogers ; mais, peu à peu, désillusionnée de tous ses rêves d’espérances, et versée sur le côté pratique de la vie, elle était portée à aimer, mais d’une manière superficielle ; son cœur lançait bien encore, ses feux d’amour, mais d’une manière différente ; elle aimait folâtrement ; comme pour éloigner des forêts sombres de son cœur, ce chasseur qui la poursuivait dans la solitude, à ses heures de recueillement, pour dissiper le grand souvenir qu’y avaient laissé, et le sourire bon et le regard tendre, de Rogers, elle commençait à répondre de l’œil, à tous les amis, qui se présentaient poliment sur sa route :

Sa position rémunératrice, la mettait en contact avec beaucoup d’hommes d’affaires ; jamais, son cœur ne prit au sérieux, les amours qui lui furent offerts ; que de pierres cependant, furent lancées dans son jardin ! Elle répondit au sourire, par un sourire ; à l’œillade, par une œillade ; à une remarque amoureuse, par une saillie des plus spirituelles ; elle marcha ainsi dans la vie, sans arrêter, ni ses regards ni ses sentiments.

La vie lui apparut comme un « sauve-qui-peut général » ; elle ne croyait plus aux déclamations des orateurs qui, sur les hustings, se proclamaient les champions du patriotisme ; son âme fut toute scandalisée de toutes les enquêtes faites sur le compte de certains échevins qui, ayant charge de prendre les intérêts de leurs contribuables vendaient leurs mandats et trahissaient leurs serments les plus nobles ! Elle ne croyait plus à l’amour ; depuis son arrivée à Montréal, elle avait été trop souvent témoin de procès où une jeune fille, où un jeune homme étaient délaissés par son fiancé, à la veille du mariage, par