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Page:Duval-Thibault - Les deux testaments, 1888.djvu/115

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LES DEUX TESTAMENTS

Souviens-toi ! Edmond.

Tu as brisé mon cœur, et tu m’as fait mourir de chagrin. Devant Dieu, tu es coupable de ma mort !

Et ma mère, ma pauvre vieille mère qui te croyait le meilleur des hommes ; tu l’as trompée ; tu l’as dépouillée même de son vivant ; souviens toi ! Edmond.

Que faisais-tu de l’argent que tu retirais des loyers ? t’en souviens-tu ?

Que faisais-tu de l’argent que tu lui faisais retirer de la banque sous prétexte de payer des frais de réparations aux maisons ?

Te rappelles-tu que tu dépensais largement, toi, pendant que ma pauvre mère était réduite à te demander, sou par sou, l’argent dont elle avait besoin ?

Qui t’avait donné le droit de t’emparer ainsi de ses biens ?

Et le petit enfant de ma sœur, l’héritier légitime, que tu dépouillais ainsi de ce qui devait lui revenir. Qu’est-il devenu ?

Pourquoi faisais-tu entendre aux frères de l’école où tu l’avais relégué bien loin de la vieille femme dont il était la seule joie, que c’était toi qui avait du Bien et non sa grand’mère.

T’en souviens-tu, Edmond ?

Tu connaissais le caractère fier et indépendant de cet enfant que tu as toujours détesté, malgré les hypocrites caresses que tu lui prodiguais pour gagner l’esprit de sa grand’mèré.

Tu savais qu’il ne se résignerait jamais à l’idée de vivre à tes dépens ; tu prévoyais qu’il chercherait à secouer ton joug, aussitôt qu’il comprendrait sa dépendance sur toi.

Tu ne fus pas étonné, quand tu appris qu’il s’était enfui de l’école. Tu le sais bien.

Mais tu affectais une grande douleur et tu parlais aussitôt de recherches extraordinaires.

Mais tu sais mieux que personne, ce que furent ces recherches.

Tu avais trop intérêt à ce que l’enfant ne se retrouvât pas pour le faire chercher activement.

Souviens-toi de tout cela, Edmond.

Qu’est-il devenu, ce pauvre enfant, le sais-tu ? En as-tu eu du remord ? Non, car tu n’as pas de cœur. Tu étais simplement heureux de te sentir débarrassé de lui, toi qui avait juré à sa grand’mère de le protéger comme un fils ; toi qui l’avais séparé d’elle sous prétexte de lui faire du bien, de le faire élever plus convenablement.

Tu les as séparés méchamment, ces deux êtres qui n’avaient que l’un l’autre au monde, et c’est l’en-