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Page:Duval-Thibault - Les deux testaments, 1888.djvu/157

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LES DEUX TESTAMENTS

naire que ce Théophile Laplante.

La saine logique de Mde Bernier réussissait ordinairement à consoler sa fille.

Mais ce qu’elle ne pouvait dissiper, c’était la terreur pleine de remords que la pauvre enfant éprouvait quand son père, prenant un air sévère et terrible, la menaçait de tous les malédictions et de tous les châtiments que le Seigneur réserve aux enfants ingrats envers leurs parents.

À chacune de ces scènes violentes, il semblait à Marie-Louise qu’elle allait perdre la raison.

Aussi sa santé commençait-elle à s’altérer, ses joues roses devenaient pâles, ses beaux yeux bleus se creusaient et se cernaient, et le sourire semblait avoir quitté ses lèvres pour ne plus y reparaître.

Mais dans son entêtement brutal Bernier ne semblait pas voir qu’il faisait mourir sa fille.

Mais Mde Bernier s’en apercevait bien, elle, et la pauvre femme devenait de plus en plus désespérée, car elle ne savait que faire.

Cependant Bernier commençait à s’impatienter de ne pouvoir vaincre la résistance de cette enfant, si faible en apparence.

Il se doutait bien que Mde Bernier encourageait Marie-Louise à ne pas céder, mais il n’osait pas s’attaquer à la première, car il se sentait toujours subjugué et mal à l’aise en sa présence.

Il n’osait pas non plus parler contre elle à sa fille, car il pressentait que Marie-Louise prendrait la part de sa mère dans le cas où il y aurait des difficultés entre les deux.

Quant à Marie-Louise, elle sentait bien, elle aussi, que sa santé s’altérait rapidement, mais la mort n’avait pas de terreur pour elle, au contraire.

— Je serais bienheureuse si je mourais, se disait-elle. La vie est trop lourde et j’en suis fatiguée.

Oh Joe ! mon amour ; pourquoi ne m’as-tu pas aimée comme je t’aimais ? Papa aurait consenti alors, à notre mariage, et j’aurais été si heureuse avec toi !

Il y avait déjà plusieurs semaines que M. Bernier avait fait les premières ouvertures auprès du père de Théophile, quand le bonhomme vint le trouver, une après-midi pour s’informer d’où en étaient les affaires.

— Avez-vous parlé à votre fille, dit-il. Moi j’ai parlé à mon garçon, et il est aux anges.

— Tant mieux ! J’ai parlé, moi aussi à ma fille, et elle ne m’a pas caché qu’elle préférait Théophile à tous les autres jeunes gens qu’elle connaissait. Cependant, comme