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Page:Duval-Thibault - Les deux testaments, 1888.djvu/163

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LES DEUX TESTAMENTS

à l’asile, si tu ne consens pas à m’obéir.

— Mon père, je vous en supplie, ne me faites pas épouser Théophile Laplante ; je ne peux pas ! je ne veux pas !

— Alors ta mère ira à l’asile.

— Elle n’est pas folle, mon père ; vous savez quelle n’est pas folle, tout le monde le sait, personne ne vous croira.

— Tout le monde me croira, au contraire, à commencer par le bonhomme Laplante et les deux servantes. Elle vient de courir comme une folle chez les Laplante avec son peignoir et un châle sur la tête. Tout le village a dû la voir passer, et personne ne sera étonné d’apprendre qu’elle a perdu la raison, après cette équipée. Quand même, qui osera m’accuser de ne pas dire la vérité, moi l’homme le plus honorable et le plus estimé du village. Pour un cent piastres je trouverai bien un médecin qui dira comme moi.

— Mon Dieu, ayez pitié de nous ! s’écria la pauvre enfant dans son désespoir.

— Tu feras mieux de faire ce que je te commande plutôt que de te recommander au bon Dieu qui ne t’aidera pas bien certain.

— Je déteste Théophile ! Je le méprise l Oh ! mon père, ne me forcez pas à l’épouser.

— Je sais qui t’empêche d’aimer Théophile ; c’est ce misérable Joe Allard, ce mendiant qui voulait t’épouser pour ta dot.

En ce moment une lumière soudaine se fit dans l’esprit de Marie-Louise, au sujet de Joe.

Comprenant pour la première fois le véritable caractère de son père, elle sentit qu’il avait dû la tromper en lui parlant de celui qu’elle aimait. Elle répondit donc hardiment.

— Oui, je l’aime ; je l’ai toujours aimé, et je crois sincèrement que vous m’avez trompée en me disant qu’il ne m’aimait pas pour moi-même.

Écumant de rage à cette franche accusation, Bernier s’écria hors de lui.

— Eh bien ! fille maudite, va le rejoindre, puisque tu l’aimes, mais ta mère ira à l’asile. Je l’y ferai mettre demain.

— Non, mon oncle ! dit une voix grave et sonore, qui fit tressaillir Marie-Louise.

Vous ne ferez pas cela !

Et au même instant, Joe Allard, car c’était lui, entra par la fenêtre qui donnait sur le jardin, et vint se placer près de sa bien-aimée, comme pour la protéger.