Page:Duvernois - L'Amitié d'un grand homme, paru dans Je sais tout, 1919.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
290
JE SAIS TOUT

M. Carlingue avait trouvé une autre table. Il s’était planté résolument derrière cet abri, auquel il s’agrippait à deux mains, tel un enfant qui déjoue son camarade en utilisant tous les obstacles.

— Tu n’es pas fou ! s’écria-t-il. Me gifler, maintenant ?

— Tu n’y échapperas pas.

— Toi, je te connais : tu as dû promettre cela à ta femme.

— Un bon conseil : ne l’insulte pas.

— Veux-tu que je me considère comme giflé ? Cela se fait, entre gens du monde. Ça y est, je me considère comme giflé.

— Bon. Et, maintenant, j’attends vos témoins.

— Pourquoi ?

— Pour nous battre.

— C’est grotesque, et je me fâcherai, à la fin.

— Vous expliquerez cela à vos témoins, poltron.

— Poltron ? Non. Je ne suis pas poltron. Seulement, je vais t’expliquer, Alfred : je ne peux pas arriver à te haïr.

— Même depuis que je t’ai giflé ?

— Oh ! tu sais, quand la joue ne cuit pas !…

— Enfin, tout le monde est au courant, de l’autre côté, et ils doivent se demander…

— Nous ne sommes pas d’un cercle bien belliqueux : vois ; on a renoncé à l’escrime. Alfred, c’est, sans doute, la dernière fois que nous nous rencontrons et que nous nous parlerons. Assieds-toi. Veux-tu un cigare ?

— Non, merci.

— Ce sont ceux que tu aimes.

— J’en ai dans ma poche.

— Allons, prends un des miens. Personne ne le saura et, si tu veux, en sortant d’ici nous donnerons aux bons camarades l’impression que nous nous sommes colletés comme des charretiers. Je reconnais les torts de ma femme. Que veux-tu ? C’est la tienne qui a commencé.

— Non.

— Je te le prouverai quand tu voudras. Assieds-toi donc sur ce tabouret ; moi, je m’assiérai sur ce tub retourné. Alfred, je te propose une alliance secrète.