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retour à Londres, elle reprit sa vie de travail, lisant des ouvrages en presque toutes les langues, étudiant l’hébreu, écrivant des articles pour l’Athenœum, et surtout continuant son œuvre de poète. « La plupart des faits de ma vie, et presque toutes mes joies intenses se sont passées dans le domaine de mes pensées, » écrit-elle à M. Horne. Son poème mystique The Seraphim (1838) n’eut pas un grand succès, mais il révélait une personnalité poétique, plus nettement qu’aucune des œuvres précédentes. Enfin le volume de « Poèmes » publié en 1844, consacra le talent d’Elizabeth Barrett. Le Drama of Exile, qui ouvrait le recueil rendit aussitôt l’auteur célèbre. « Mon sujet était le nouvel et étrange sentiment éprouvé par l’humanité déchue, quand elle quitta le Paradis pour s’enfoncer dans le désert. Je m’attachais surtout à la douleur d’Eve... qui me semblait avoir été jusqu’ici imparfaitement comprise, et telle qu’une femme pouvait mieux qu’un homme l’exprimer. »[1] Dans le même volume paraissaient Le Vin de Chypre, Pan est Mort, Le Cri des Enfants, La Conquête de Lady Geraldine, toutes pièces qui sont restées parmi les plus populaires de son œuvre. Quand le poste de poète-lauréat devint vacant, quelques années après, par la mort de Wordsworth, on eut la pensée de conférer ce titre à Elizabeth, qui femme, sous le règne d’une femme, paraissait digne de succéder au grand poète Lakiste.

De ces joies de la pensée dont parlait Elizabeth, quelques-unes lui étaient apportées par les visites d’amis intelligents et dévoués. Miss Mitford et Mrs. Jameson, écrivains bien connus, étaient du nombre. Un cousin éloigné, nommé John Kenyon, introduisait dans cette vie claustrée

  1. Préface à l'édition des « Poèmes » de 1844.