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Page:E. Feydeau - Souvenirs d’une cocodette, 1878.djvu/135

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D’UNE COCODETTE


un soir, malgré moi, auprès d’Alfred, me revint alors à l’esprit, et je fus sur le point de me trahir. Mais je trouvai la force de me maîtriser, et je balbutiai :

— À quoi bon tout cela, ma tante ?

— Pour rien, mon Dieu !… Pour que tu saches comment te comporter la première nuit de tes noces.

Et comme je voulais encore me récrier :

— T’imagines-tu donc, comme la plupart des jeunes filles, qui ne savent ni A, ni B des choses sérieuses de la vie, que le mariage consiste uniquement, pour une femme, à faire les honneurs de sa maison, à sortir seule, à régler les comptes de son ménage, à porter des dentelles et des diamants ?…

Je me levai pour l’interrompre. Elle reprit :

— Le mariage est cela, sans doute. Mais il est encore autre chose. Son but, pourrait te dire ton père, « est de faire vivre l’homme et la femme dans une société fraternelle, de sorte qu’ils soient constamment obligés de s’entr’aider, de se porter des secours mutuels en partageant leur commune destinée. La raison d’être naturelle du mariage, pourrait encore te dire ton père, si les plus simples convenances ne lui interdisaient de traiter ce sujet devant toi, sa raison d’être réside tout entière dans la conservation de l’espèce humaine. »