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D’UNE COCODETTE


les diverses aventures que j’ai déjà racontées dans ces mémoires, me traiterait de niaise, comme ma tante, et me souffletterait volontiers.

Elle aurait tort. En toute chose, pour que je comprenne, il est indispensable de mettre les points sur les i. Je n’ai pas assez d’imagination pour suppléer aux lacunes qui se font quelquefois dans mon esprit. La position dans laquelle j’avais surpris ma mère et M. Gobert, mes petites débauches du couvent, la situation dans laquelle mon cousin s’était montré à moi dans le parc de Galardon, suffisaient largement pour me faire penser qu’il pouvait se passer de fort vilaines choses entre personnes de sexes différents et même du même sexe. Mais, de là à me faire comprendre ces choses dans tous leurs détails, comme un quart d’heure d’expérience les démontre, il y avait un abîme, et je ne cherchais point à le combler par la pensée.

Je ne ressentais point d’amour pour mon fiancé. Je l’épousais parce qu’il fallait bien me décider à me marier, puisque toutes les femmes se marient. Il ne m’inspirait ni répulsion, ni attraction. J’en aurais épousé un autre, à sa place, sans en ressentir de chagrin. Mais les demi-confidences de ma tante suffisaient pour me faire appréhender vivement l’opération qu’on nomme « la consommation du mariage ». J’y voyais, par avance, une