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D’UNE COCODETTE


toilette. Tout cela était un peu froid et semblera étrange peut-être. Mais alors, je n’y pensai pas. J’étais toute à l’étonnement, et dans une furieuse appréhension de ma première nuit de noces. Un quart d’heure plus tard, ayant changé mon costume de mariée contre une jolie robe de chambre choisie par ma mère, je crus qu’il était temps d’aller retrouver mon mari. Je le surpris assis devant le feu, dans la chambre à coucher, en veste de matin et en pantoufles. Il buvait une tasse de thé. Deux grosses lampes éclairaient fortement la chambre. Il se leva en m’apercevant, vint au-devant de moi, prit de mes mains la couronne et le bouquet de fleurs d’oranger que j’avais portés toute la journée et que je lui offrais ingénument comme un gage de l’avenir[1]. Quand il les eut serrés dans un chiffonnier, il s’en revint à moi, qui l’attendais auprès du feu avec une anxiété facile à comprendre, me saisit dans ses bras, m’embrassa longuement et voluptueusement, en me disant qu’il m’adorait. J’éprouvais une émotion intraduisible. Quoique mon mari n’occupât encore qu’une bien petite place dans mon cœur, et malgré les recommandations de ma tante Aurore, pour le moment je ne me regardais pas encore tout à fait comme une victime. J’avais peur de je ne sais quoi, j’appréhendais un

  1. Variante, ligne 16, au lieu de l’avenir ; lire : souvenir.
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