Page:E. Feydeau - Souvenirs d’une cocodette, 1878.djvu/205

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
133
D’UNE COCODETTE


Ils ne se gênent guère, ils ne se gênent même pas du tout, pour lui dire tous, quelques-uns en observant les convenances les plus parfaites, le plus grand nombre, malheureusement, avec une liberté de langage encouragée par la trop grande facilité des relations, « qu’elle est douée de toutes les grâces, de toutes les beautés, qu’on ne peut s’empêcher de l’adorer, et qu’on ose espérer qu’elle ne se montrera pas toujours insensible. »

J’étais fière de mon succès, surtout de voir que les hommes paraissaient me préférer aux autres femmes. Laquelle de nous n’aurait éprouvé les mêmes sentiments, à ma place ? Mais j’étais quelquefois un peu choquée d’apprendre que les belles choses qu’on me débitait, on ne se gênait nullement, ne pensant même pas mal faire, pour les débiter à d’autres femmes, et dans les mêmes termes, et je ne me sentais pas peu mortifiée de voir que, même sur le ton de l’enjouement, on paraissait admettre, comme une chose probable et toute naturelle, que je pourrais être un jour infidèle à mon mari. Encore une fois, je ne ressentais pas d’amour pour ce mari. Mais, que l’on juge une fois comme il doit l’être le cœur de la femme : en dépit de ses petites manies, l’habitude de vivre ensemble, autant que sa générosité, commençait insensiblement à m’attacher à lui. Je ne me décidais pas toujours facilement à lui complaire, mais je ne lui aurais pas fait volontaire-