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SOUVENIRS


chaque jour, que nous étions gênés, et que, sachant combien elle était de bon conseil, et comme elle m’aimait, j’étais venue la consulter, lui demander quel parti je devais prendre.

Ma mère accueillit ma confession par un véritable cri du cœur et de la nature :

— C’est amusant pour moi ! s’écria-t-elle en sautant de son siège et choquant ses deux mains l’une contre l’autre. Avec le caractère que je te connais, tu ne sauras[1] jamais garder pour toi le secret de votre gêne ; tout Paris le saura demain ; on dira que je t’ai mal mariée, que je n’avais pas pris assez d’informations sur mon futur gendre. Ah ! c’est bien amusant pour moi !

Cette sortie fut tout ce qu’il me fut possible de tirer du modèle des mères. Elle n’avait vu dans la ruine de ses enfants qu’un inconvénient pour elle. Peut-être voulait-elle que je la plaignisse !

« Tu n’as que ce que tu as mérité, me disais-je en rentrant chez moi. Quel besoin avais-tu de lui raconter tes chagrins ? Pouvais-tu ignorer de quelle manière elle les accueillerait ? »

Je me sentais découragée par l’école que je venais de faire, je me voyais si isolée, si abandonnée, que je passai le reste de la journée à examiner sérieusement avec moi-même si je

  1. Variante, ligne 11, au lieu de saura ; lire : connaîtra.