gueule ensanglantée. Il était effrayant et tout
hérissé. À ma grande frayeur, il fondait droit sur
nous. Mon mari et le baron, en véritables gens
d’affaires, soucieux avant tout de leur intérêt,
s’écartèrent, le laissèrent passer. Éperdue de
frayeur, j’étais tombée sur les genoux. L’horrible
chien était là, tout près, sur moi. Je sentais son
haleine fétide sur mon visage. Il me semble, en
écrivant, que je la sens encore, toute brûlante.
Madame de Couradilles, sans bien se rendre
compte, j’aime à le croire, du danger que je pouvais
courir, s’était sauvée du côté du château,
en criant comme une folle.
Les clameurs des paysans excitaient le chien. Soudain, une ombre passa rapidement devant moi. C’était Alfred. Il se jeta résolument au-devant de l’affreuse bête, me couvrit de son corps. Cela se fit très vite. Avec une présence d’esprit inouïe, il mit le genou droit à terre, faisant face au chien, puis il tendit devant lui son bras gauche replié, comme pour défendre son visage et attendre la mort. Je me tenais blottie derrière lui, à deux genoux dans la poussière, et j’étais tout regards, comme pétrifiée. Le chien, voyant ce bras tendu devant lui, recula un peu, puis, prenant son élan, il se jeta dessus comme un furieux, et le mordit cruellement.
Il s’était élancé avec une telle force que mon cousin fut renversé sur moi par le choc, et nous