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Page:E. Feydeau - Souvenirs d’une cocodette, 1878.djvu/299

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D’UNE COCODETTE


devait jamais se séparer de son mari, qu’elle se devait, avant tout, à son intérieur.

Quel néant que les hommes !… C’était mon intérieur que regrettait celui-là, la société qu’il y rencontrait, il ne regrettait que cela. Être l’amant de l’une des femmes les plus « à la mode » de Paris, cela flattait sa vanité ; mais avoir « un collage » — ce sont ses nobles expressions — avec une femme séparée de son mari, cela ne pouvait convenir, en aucune manière, à un homme comme lui, qui jouissait d’une position hors ligne et de la considération universelle.

Il me quitta donc[1], non sans avoir assuré mon sort. C’était bien le moins qu’il pût faire, et la chose, d’ailleurs, avait été convenue entre nous depuis longtemps.

J’ai vendu Galardon, qui ne me rappelait que des souvenirs pénibles.

J’ai pris le monde en haine, en dégoût. Afin de mieux le fuir, je me suis retirée sur la frontière de Paris, à Auteuil. Mais là encore, hélas ! il me poursuit. La funeste beauté à laquelle je dois les tourments de ma vie l’attire par moments encore. On sait que je suis là. On vient. On prend l’habitude de revenir. C’est en vain que je

  1. Variante, ligne 13, au lieu de Il me quitta donc, non sans avoir ; lire : Heureusement, quand je le congédiai, il avait.